Pourquoi les sorties running à jeun sont surcotées (et quand marchent-elles vraiment ?)

J’ai longtemps cru que courir à jeun était le raccourci pour sécher plus vite, devenir « économe » et gagner en mental. La réalité que j’ai observée chez moi et chez des dizaines de coureurs est plus nuancée : oui, les sorties à jeun ont des intérêts ciblés, mais elles sont surcotées si on leur prête des vertus magiques (fonte de graisse express, progression plus rapide, « mental d’acier ») et surtout si on en abuse. Voici ce que j’ai appris, preuves physiologiques à l’appui, et comment les utiliser intelligemment.

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Ce que la physiologie dit vraiment des sorties à jeun

1) Oxydation des graisses ↑, intensité soutenable ↓
Courir sans avoir mangé depuis la veille abaisse les réserves de glycogène et fait baisser le RER (tu brûles proportionnellement plus de lipides). C’est un bon levier pour entraîner la filière aérobie à basse intensité. Mais l’envers, c’est que l’intensité soutenable baisse : les blocs au seuil, la VMA ou les côtes solides passent beaucoup moins bien. Autrement dit, ça entraîne la capacité à « tourner au gras » mais pas la puissance.

2) Le signal hormonal est ambigu
Au réveil, cortisol et adrénaline sont plus hauts. À jeun, ils grimpent encore : effet positif sur la mobilisation des graisses, mais stress systémique majoré. Bien dosé, c’est un stimulus d’adaptation. Trop fréquent, c’est fatigue nerveuse, sommeil perturbé, et appétit anarchique l’après-midi.

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3) Le risque de “cannibaliser” un peu de muscle existe
Plus la sortie s’allonge, plus tu t’éloignes d’un simple footing glycogène-épargnant. Au-delà de ~60 min à jeun, surtout si l’allure dérape, ton corps pioche davantage dans les acides aminés pour produire du glucose (néoglucogenèse). Rien de dramatique ponctuellement, mais répété : tu tires sur la corde de la récup.

4) Le fameux « je brûle plus de graisse » n’est pas la promesse minceur que tu crois
Oui, la proportion de graisse brûlée est plus haute. Mais le total de calories dépensées peut être plus faible qu’avec une séance bien placée et un peu plus intense quand tu es alimenté. Et surtout, le cerveau compense : faim accrue, grignotage, NEAT en baisse (tu bouges moins le reste de la journée). Résultat fréquent : pas de perte nette.

En clair : outil intéressant pour l’endurance de base et la flexibilité métabolique, outil médiocre pour la performance spécifique et la perte de poids si tu comptes uniquement dessus.

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Sur-promesse n° 1 : « Ça sèche plus vite »
La perte de poids durable vient d’un équilibre hebdomadaire (déficit modéré, NEAT élevé, sommeil), pas d’une séance « magique ». À jeun, beaucoup mangent davantage ensuite ou baissent leur activité. Sans stratégie nutritionnelle, l’effet net est nul.

Sur-promesse n° 2 : « Ça forge le mental »
Ce qui forge le mental, c’est la constance. Sortir 3–4 fois/semaine 30–45 min bien tenues vaut plus qu’une héroïque à jeun qui te laisse rincé et te fait sauter la séance du lendemain.

Sur-promesse n° 3 : « Ça améliore toutes les allures »
Non. L’amélioration du seuil, de la VMA et de l’économie à allure spécifique se travaille mieux alimenté. À jeun, tu dégrades la qualité de ces séances.

Sur-promesse n° 4 : « C’est bon pour tout le monde »
C’est là que ça déraille. Certaines populations récupèrent mal du stress à jeun : coureurs/coureuse déjà stressé·e·s, sommeil fragile, cycles d’entraînement chargés, femmes sujettes aux désordres du cycle/RED-S. Pour ces profils, l’usage doit être parcimonieux et sur-mesure.

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Quand les sorties à jeun marchent vraiment

1) En période de base aérobie (automne/hiver), à faible intensité
Objectif : endurance fondamentale en zone 2, 30–45 min. Tu entres, tu sors, tu crées un signal mitochondrial sans entamer la semaine.

2) Pour développer une flexibilité métabolique chez des coureurs qui déjeunent tard ou s’entraînent tôt
Une à deux fois par semaine, tu apprends au corps à épargner le glycogène sur des allures faciles. Ça paye sur les sorties longues quand tu es nourri.

3) Quand l’agenda est serré
Plutôt que de rater la séance, tu fais un court footing à jeun et tu gardes l’élan. Là, c’est précieux.

4) Pour mieux tolérer les fins de course
Sur une prépa semi/marathon, 1 séance à jeun courte par semaine peut aider à gérer la baisse de glycogèneà condition que les séances spécifiques longues soient alimentées (sinon, tu limites la qualité).

Le protocole simple qui fonctionne (et qui ne te flingue pas)

Fréquence : 0 à 2 séances à jeun par semaine, jamais consécutives, jamais la veille d’une séance clé (seuil/VMA/AS).
Durée/allure : 20–45 min en endurance fondamentale. Si tu dépasses 60 min, tu n’es plus dans la logique « outil discret ».
Hydratation : un grand verre d’eau au lever. Café/thé si tu aimes, sans sucre si l’objectif est l’oxydation des graisses.
Échauffement : 5–8 min très facile, écoute des sensations.
Balises d’arrêt : vertiges, frisson, crispation inhabituelle → tu rentre.
Après : petit-déj/protéines + glucides dans l’heure (ex. œufs + pain complet + fruit). Le but : revenir à l’équilibre sans razzia.
Semaine type (ex. coureur/coureuse 3–4 séances) :

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  • Lundi : EF à jeun 30–40 min (optionnel)
  • Mercredi : seuil nourri (ex. 3×8 min)
  • Vendredi : VMA nourri (ex. 8×400 m)
  • Dimanche : longue nourri, hydration + ravito test

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Ce que disent les études

  • Oxydation lipidique plus élevée à intensité faible : sur sorties à jeun, plusieurs travaux montrent un RER plus bas et une mobilisation lipidique accrue sur des efforts lents à modérés. Quand l’intensité monte, la limite est rapide : tu rebascules vers les glucides, mais… tu en as peu. Sensation : jambe vide.
  • Performance d’intensité : la littérature est cohérente : intervalles et seuil donnent meilleure qualité quand on est alimenté (glycogène musculaire suffisant → puissance, technique, économie).
  • Adaptations d’endurance : l’entraînement « train-low » (faibles réserves de glycogène) peut augmenter certains marqueurs d’endurance (enzymes oxydatives, signaux mitochondriaux)… si le volume total reste tolérable et que les séances de qualité sont faites nourri.
  • Poids et compensation : les travaux sur la dépense totale journalière montrent que l’organisme tend à compenser (NEAT qui baisse, appétit qui monte). L’effet « jeunes flamme, vieux cendres » après une à-jeun mal dosée est classique.

Traduction pour nous : outil utile au bon endroit, pas une fondation.

Les 5 erreurs qui font détester (ou surestimer) le à-jeun

  1. Aller trop vite (fierté de l’allure) → tu grilles l’objectif, tu finis groggy.
  2. Allonger « parce que ça va » → tu bascules en dette et tu flingues la séance du lendemain.
  3. Le mettre la veille d’un fractionné → ta séance clé devient grise.
  4. Sauter le petit-déj ensuite → fringale 11–16 h, compensation (et craquages).
  5. Croire que c’est obligatoire → tu te prives d’une arme simple : 30–45 min alimenté avec de la qualité.

Mon retour de terrain (et un protocole d’essai sur 4 semaines)

Quand je le place 1×/semaine, EF 30–40 min, dès l’automne, je sens mon cardio descendre sur les footings et ma longue nourrie plus facile à tenir. Dès que j’ai essayé de pousser à 2–3×/semaine ou de partir sur 60–75 min, j’ai mal dormi, j’ai eu faim en fin d’après-midi et mes séances de qualité ont pâti.

Test 4 semaines (si tu veux trancher par toi-même) :

  • Semaine 1–2 : 1 sortie à jeun 30–35 min (EF), note FC moyenne, RPE et faim à H+3/H+6.
  • Semaine 3–4 : identique, puis comparer allure/FC avec une EF alimentée de même durée.
    Si la EF à jeun te laisse frais (sommeil OK, faim maîtrisée) et que tes séances intenses restent de qualité, garde-la. Sinon, remplace-la par une EF alimentée ou une récup active.

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Et côté sécurité : qui doit éviter ou faire valider ?

  • Grossesse, diabète traité, antécédents d’hypoglycémie, troubles du comportement alimentaire, fatigue chronique : évite ou valide avec ton soignant.
  • Femmes avec cycle fragile/RED-S : prudence et priorité au nourri sur les blocs qualitatifs.
  • Débutant complet : commence par l’endurance fondamentale nourrie pendant 4–6 semaines.

Prêt à l’utiliser comme un outil, pas comme une solution miracle ?

Si tu veux progresser et rester régulier, l’ordre de priorité ressemble à ça :

  1. Sommeil + régularité
  2. Endurance fondamentale majoritaire (70–80 %)
  3. 1–2 séances de qualité nourries
  4. PPG courte 2×/semaine
  5. À-jeun ponctuel (option) pour la flexibilité métabolique

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Mon conseil final
Teste, mesure, garde ce qui te rend plus constant. Si la sortie à jeun t’aide à sortir du lit et te laisse mieux pour la suite de la semaine, adopte-la 1×/sem. Si elle te use ou te fait compenser, tu as déjà la meilleure alternative : 30–45 min EF nourrie, bien posée dans ta semaine.

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