J’ai longtemps eu un réflexe « tout ou rien » avec les bâtons. Parfois je les dégainais à la moindre pente, parfois je les laissais au placard et je me battais dans la boue en mode « mains sur cuisses ». Avec le temps—et quelques gamelles sur tapis de feuilles détrempées—j’ai affiné une règle simple : les bâtons sont un outil de gestion d’énergie, pas une béquille. En terrain gras, ils peuvent te sauver la mise… ou te ralentir s’ils sont mal utilisés. Voici comment je décide quand les sortir et quand s’en passer, avec mes repères concrets de terrain.
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Ce que montrent les études (dit clairement)
Sur fortes pentes, les bâtons redistribuent une partie de la charge vers le haut du corps : moins d’écrêtage cardiaque, moins d’excentrique dans les quadriceps et souvent une économie de course meilleure quand la pente et/ou le terrain deviennent pénalisants (boue, herbe détrempée). Plusieurs travaux en montagne et en rando-course montrent aussi une réduction des contraintes perçues sur genou et cheville en montée, et un meilleur contrôle postural dans la boue et sur feuilles glissantes.
À l’inverse, sur plat et faux-plats, surtout quand c’est juste « gras mais roulant », l’ajout du travail des bras augmente parfois le coût énergétique et casse la cadence, pour un gain nul. En descente, les bâtons peuvent soulager quand ça tape fort, mais deux risques : planté qui rippe sur glaise et perche qui se coince entre racines/rochers. Là, la technique et le choix de la ligne priment sur l’outil.
Quand je les sors (et je ne regrette jamais)
Montées grasses ou ravinées, > 10–12 % de pente
Dans la boue, chaque appui pied peut patiner. Deux points d’ancrage supplémentaires te rendent de la traction. Je passe en marche active avec ancrage alterné ou double-planté sur les murs courts. L’idée : transférer du couple des cuisses vers le haut du corps.
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Relances dans des « coulées » boueuses
Après un petit pierrier ou un virage serré, le sol est labouré : bâtons = stabilisateurs pour remettre de la vitesse sans patiner. Je les utilise 5–10 secondes le temps de recoller à mon allure.
Passages de racines humides + tapis de feuilles
Le combo piégeux d’octobre : feuilles = cache-pièges. Deux appuis bâtons devant pour tester la portance avant de charger la jambe.
Fin de montée longue quand les cuisses « chauffent »
Si ma fréquence cardiaque plafonne à effort égal, les bâtons me permettent de répartir la charge et de garder la posture (buste haut, bassin stable) jusqu’au col.
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Quand je m’en passe (et j’avance plus vite)
Plat gras mais roulant
Je range les bâtons pour conserver ma cadence. Sur ces sections, je gagne plus à alléger la foulée et élargir légèrement la base d’appui (pieds un peu plus écartés) qu’à pousser sur les bras.
Singles serrés entre branches ou ronces
Le risque d’accrochage est plus grand que le bénéfice. Je préfère mains libres et micro-pas précis.
Descentes grasses rapides
Si la ligne est fluide (pas de blocs ni marches), mains libres = réactivité maximale. Les bâtons peuvent ralentir la rotation des bras, cruciale pour l’équilibre. Je ne les garde que si la pente impose des marches ou des appuis « troisième point ».
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Portions de scramble / mains-courantes
Dès qu’il faut poser les mains, les bâtons deviennent un handicap. Je replie et je range dans le carquois.
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Réglages « terrain gras » qui changent tout
Longueur
- Réglage de base : coude proche de 90° sur le plat.
- +2 à +4 cm en montée raide : garde-corps plus haut pour pousser sans t’écraser.
Dragonnes
En boue, je serre un peu plus pour que la poussée passe bien paume → sangle → bâton (et pas avant-bras qui se crispe). En descentes techniques, je dessers ou je sors la main pour pouvoir lâcher instantanément si un bâton se coince.
Rondelles
Petites rondelles = enfoncement profond dans la glaise → perte d’énergie. Je monte des rondelles plus larges en automne. L’acier tungstène en pointe mord mieux sur racine humide que l’aluminium lisse.
Geste
- Alterné (gauche/pied droit) sur pente continue : cadence préservée.
- Double-planté juste avant une marche boueuse ou un mur court : pic de force bien dans l’axe.
- Buste gainé mais relâché, regard 2–3 m devant pour lire la portance.
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Ma grille de décision « boue & bâtons » (3 questions)
- Quelle pente ?
- < 8–10 % : je les range (sauf passage piège court).
- 10–20 % : je sors en alterné si le grip est douteux.
- 20 % : obligatoires pour préserver les cuisses, surtout sur long.
- Quelle portance ?
- Terre grasse mais compacte : à l’appréciation.
- Glaise glissante, feuilles saturées d’eau, racines polies : je sors.
- Quel objectif d’allure ?
- Portion de transition (plat rapide) : mains libres.
- Portion de gestion (sur-pente, S-bends gras) : bâtons pour économiser.
Les erreurs que je vois tout le temps (et comment je corrige)
Planter derrière la hanche
Tu « pousses » trop tard → freinage. Corrige en plantant au niveau du pied avant ou à peine devant, bâton incliné vers l’arrière pour propulser.
Cadence cassée
Bâtons trop longs + double-plantés à tout-va = pas haché. Je reviens à l’alterné et j’écourte un poil la longueur.
S’accrocher en descente
Bâtons serrés en dragonne dans un dévers : si ça coince, tu pars en avant. Je dessers les dragonnes et je raccourcis la foulée (pieds plus bas, buste engagé).
Tout faire aux bâtons
Sur 2 h dans la boue, tu grilles les triceps. Je mixe : montée = bâtons, replat = mains libres, relances = 5–10 s de bâtons.
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Petit cas d’école d’octobre : feuilles, bogues et « savonnette »
Si tu cours en châtaigneraie, tu connais ces bogues qui roulent sous la semelle. Mon protocole :
- Je ralentis un cran 20–30 m avant le tapis de feuilles.
- Deux plantés courts pour tester l’adhérence, ligne la plus propre (souvent sur le bord où la terre apparaît).
- Pieds plus écartés, buste un peu en avant, je dépose le pied plutôt que je « tape ».
- Bâtons repliés dès que la portance redevient lisible.
S’entraîner… sans se cramer
Les bâtons ne remplacent pas la caisse. Mais bien utilisés, ils économisent tes quadris en montée et sécurisent tes appuis en gras. Pour automatiser le geste, je cale 1 séance dédiée par semaine en automne : montées progressives avec alterné propre, puis doubles-plantés ponctuels sur murs courts. Et je couple ça à un bloc technique en descente (pieds bas, buste actif, appuis qui « caressent » la boue).
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Ce que j’emporte et comment je porte
- Bâtons pliables 3 brins (légers mais fiables) avec rondelles larges montées dès octobre.
- Carquois dorsal : dégaine/range en 5 secondes.
- Gants fins : meilleure accroche sur dragonne mouillée.
- Nettoyage post-sortie : rincer tubes / pointes / rondelles pour éviter le grippage.
Prêt à t’y mettre ?
Tu verras : avec deux ou trois sorties, la lecture de terrain et le rythme de bras deviennent naturels. Et en gras, c’est surtout ça qui fait la différence : conserver l’équilibre, garder la ligne, économiser les cuisses pour la suite.
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👉 Descente technique contrôlée (spécial terrain gras d’automne)
